Ecole Nationale d'Art Décoratif de Limoges (période de 1881 à 1914)
Après seulement deux mois d'existence, l'association "La Fleur" organise sa première exposition place de la République à Limoges : elle ouvre ses portes le dimanche de Pentecôte de l'année 1900.
L' article qui suit, signé Barthélemy Mayéras et publié dans Limoges-Illustré en fait le compte-rendu en y citant les principaux exposants :
"M. Francis Chigot s'était chargé du blason artistique, si je puis dire, de la Société. En simples majuscules d'or, ce titre, gracieux, et plein de promesses déjà réalisées, LA FLEUR, se détachait sur le fond uni d'un panneau décoratif qui garnissait, au dessus d'une cheminée, le milieu du trumeau. C'était sobre, léger, juste; il y a là plus que du métier, et Chigot est un jeune, tout jeune.
A signaler un autre projet de panneau de M. Victor Simon, le secrétaire trésorier : de la richesse, et de la recherche, et du fond, et beaucoup de métier - un peu trop de métier peut-être. Il y en a autant mais cette fois avec quelque chose en plus, dans un pastel du même : un chien griffon débonnaire et soyeux.
Il est dommage que M. Henri Balleroy n'ait pas tiré tout l'effet qu'il aurait pu du procédé qu'il innove : du grand feu sous émail. Sa coupe eût pu avoir plus d"éclat, le dessin eût pu en être plus léger. Mais c'est un essai, et son allure permet d'espérer tout de celle du prochain travail de M. Balleroy.
Nous signalerons également les intenses bleus de four de M. Maxime Granger.
Voici pour les peintres-décorateurs et sur porcelaine.
Parmi les modelages, nous avons remarqué une théière exquise, de forme sobre et fine, oeuvre de M. Antoine Balleroy.
M. Gérald Serpaud présentait une aiguière; le procédé par lequel il l'a obtenu est curieux - et nouveau. Il consiste à créer l'objet non en décomposant le motif végétal, mais à l'aide du motif lui-même, de la plante. Cette aiguière est un pied d'iris, tout simplement. Mais - sans condamner l'oeuvre de M. Serpaud - nous avons vu le même sujet traité avec plus de souplesse et plus d'ampleur, tranchons le mot, avec plus d'art.
Nous passerons sans insister sur un émail bien pauvre de M. Jules Sarlandie; nous serions trop loin, sans parler des vieux maîtres, de Blancher et surtout de l'exquis artiste Michel Roly.
Un mot d'éloge à M. Louis Benoist pour ses barbotines, fort honorables, encore loin de celles de Riffaterre, et arrivons à Pierre Thomas.
Il domine l'exposition de son talent, de sa fécondité, de sa variété , de son individualité artistique. Ses nombreuses pochades à l'huile sont toute une gamme de couleurs vues. L'une d'elles frappe surtout, par sa simplicité éloquente : un chomi choretaû monte vers no cliedo, dans le plaî, deux arbres; et le chemin s'ouvre sur un horizon limousin, dont la ligne délicieusement bleuâtre se meut et meurt loin, bien loin. Et sur le tout, sur le chemin, sur le talus, dans les arbres, dans l'air, la lumière diffuse et paisible qui fait, en Limousin, le charme captivant des journées d'août.
C'est encore dans ses applications décoratives sur bois que M. Pierre Thomas montre le plus d'originalité et de virtuosité. Il tire merveilleusement parti de la nature du bois sur lequel il peint : sur un bois pâle, deux cygnes nonchalants; sur un bois chaud de ton, vaguement fauve, des oignons rutilants; ailleurs, au-dessus d'une plaine, au milieu de laquelle s'efface un pommier, un ciel d'orage...
Je m'arrête; il faudrait tout citer, tout louer, et je n'ai pas à faire un catalogue.
...Courage, jeunes fervents de La Fleur. Nous ne vous souhaitons pas le succès, nous le prédisons. Et soyez dignes de votre coryphée, Pierre Thomas ! "